Interview with Lola Rolland
The Ariane Deluz Prize for 2023 has been awarded to Lola Rolland, a PHd student at the École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS). Her doctoral thesis focuses on the theme "Gender, kinship and female sexuality: gender politics and intimacy in Sakalava country (Nosy Be, Sakalava)", under the supervision of Julien Bonhomme.
In this interview, Lola Rolland presents her fieldwork programme, "Terrain complémentaire sur les trajectoires féminines dans l'archipelago sakalava de Nosy be" (Complementary fieldwork on female trajectories in the Sakalava archipelago of Nosy Be). An opportunity for the winner to talk about her career, her visions as a young researcher and the impact of the Ariane Deluz Prize on her career. (Interview in French)
- Pouvez-vous nous présenter votre parcours ?
J’ai commencé mes études par une licence de philosophie à Nantes. Cependant l’aspect désincarné de la réflexion ne me satisfaisait pas, j’ai donc décidé de poursuivre vers un master d’Études Africaines à la Sorbonne. J’avais déjà en tête de travailler sur Madagascar à l’époque. En master 2, j’ai choisi de travailler sur les rumeurs, en m’interrogeant sur des cas de lynchages à Nosy be en octobre 2013. En tentant de redonner du sens à ces évènements et à la manière dont ils ont pu avoir lieu, je me suis interrogée sur les ressorts de la violence et sur les figures sociales en jeu. C’est dans cette optique que j’ai commencé à essayer de m’intégrer à des groupes de jeunes hommes en contact avec les touristes. De manière marginale, je notai pour certains de mes interlocuteurs masculins un moindre accès au marché matrimonial, et des imaginaires amoureux changeant au contact des étrangers. La question de la sexualité transactionnelle s’est ainsi trouvée posée de manière liminaire, ainsi que celle des attitudes ambivalentes provoquées par l’afflux de touriste. Lors de mon doctorat, je me suis spécifiquement intéressée à la question de la parenté, du genre et de la sexualité féminine. Cette inflexion est le fruit de discussions avec les directeurs, et de plusieurs lectures croisées de la littérature ethnographique malgachisante.
Cette thèse se propose de décrire la manière dont les femmes font preuve de retenue dans leurs rapports aux hommes, et sont invitées à ménager leur peine afin de faire preuve de stratégie dans leurs choix affectifs et conjugaux. Je pense que c’est dans ce travail émotionnel et cette aptitude à influencer les hommes plutôt que d’incarner des figures d’autorités directes, que réside les capacités d’agir des femmes et la possibilité de négocier leur condition.
- Pouvez-vous nous présenter brièvement votre projet de recherche récompensé par le prix Ariane Deluz ?
Cette thèse se propose de décrire la manière dont les femmes font preuve de retenue dans leurs rapports aux hommes, et sont invitées à ménager leur peine afin de faire preuve de stratégie dans leurs choix affectifs et conjugaux. Je pense que c’est dans ce travail émotionnel et cette aptitude à influencer les hommes plutôt que d’incarner des figures d’autorités directes, que réside les capacités d’agir des femmes et la possibilité de négocier leur condition. Les trajectoires de vie des femmes montrent qu’elles sont souvent prises entre plusieurs obligations, entre leur mari, leur enfant, et leurs parents. Elles naviguent entre ces pôles en essayant de se ménager une place dans un système ou elles sont hiérarchiquement inférieures et économiquement dépendantes. Le premier terrain d’enquête (janvier 2020 - octobre 2021) s’est tenu en pleine pandémie de Covid-19, ce qui m’a obligée à réorienter ma recherche et à être plus subtile dans les modes de recueil de données. Le cœur de mes données est constitué de conversations informelles avec des amies et des parentes, qui me racontaient leur vies intimes. J’ai ensuite en procédant à des entretiens portant sur la parenté, les charmes, les manipulations de la fertilité féminine, les rituels, etc. En y retournant pour 2 mois et demi, j’ambitionne de valider les hypothèses issues du premier traitement de données. Plus spécifiquement, en y retournant l’été, je cherche à diversifier les données récoltées sur les relations entre les femmes locales et les étrangers. C’est le terrain permis par ce prix
- Pouvez-vous nous présenter brièvement votre projet de recherche récompensé par le prix Ariane Deluz ?
Cette thèse se propose de décrire la manière dont les femmes font preuve de retenue dans leurs rapports aux hommes, et sont invitées à ménager leur peine afin de faire preuve de stratégie dans leurs choix affectifs et conjugaux. Je pense que c’est dans ce travail émotionnel et cette aptitude à influencer les hommes plutôt que d’incarner des figures d’autorités directes, que réside les capacités d’agir des femmes et la possibilité de négocier leur condition. Les trajectoires de vie des femmes montrent qu’elles sont souvent prises entre plusieurs obligations, entre leur mari, leur enfant, et leurs parents. Elles naviguent entre ces pôles en essayant de se ménager une place dans un système ou elles sont hiérarchiquement inférieures et économiquement dépendantes. Le premier terrain d’enquête (janvier 2020 - octobre 2021) s’est tenu en pleine pandémie de Covid-19, ce qui m’a obligée à réorienter ma recherche et à être plus subtile dans les modes de recueil de données. Le cœur de mes données est constitué de conversations informelles avec des amies et des parentes, qui me racontaient leur vies intimes. J’ai ensuite en procédant à des entretiens portant sur la parenté, les charmes, les manipulations de la fertilité féminine, les rituels, etc. En y retournant pour 2 mois et demi, j’ambitionne de valider les hypothèses issues du premier traitement de données. Plus spécifiquement, en y retournant l’été, je cherche à diversifier les données récoltées sur les relations entre les femmes locales et les étrangers. C’est le terrain permis par ce prix
- Pour quelles raisons avez-vous choisi d’étudier cette thématique ?
Au cours de mon premier terrain, plusieurs modalités de relations avec les étrangers pouvaient s’observer. Dans mon village, beaucoup de couples mixtes se nouaient et les résidents étrangers faisaient l’objet d’une forte compétition féminine, qui s’accompagnait de coups bas, de ragots et d’accusation de sorcellerie. A cela s’associait une profusion de conseils sur ce que les étrangers recherchaient dans leur couple et sur la façon dont ils fonctionnaient, ce qui étaient instructifs d’une masculinité et rapports conjugaux fantasmés. Beaucoup de mes interlocutrices avaient des conversations avec des étrangers par le biais de Facebook. Ce sont des relations très ordinaires qui permettent des configurations très intéressantes pour l’analyse.
- Quel impact l’obtention du prix Ariane Deluz est-il susceptible d'avoir sur la poursuite de votre projet de recherche ? En quoi contribue-t-il concrètement à la mise en œuvre de votre projet ?
Ce prix me permet de me rendre à Nosy Be pour deux mois. Ce terrain supplémentaire va me permettre de recueillir les derniers matériaux nécessaires à ma thèse et de me lancer dans sa rédaction dès le mois d’octobre.
soutenir les chercheurs et les jeunes notamment, par le biais de bourse, de prix et de gratifications scientifiques, est nécessaire. C’est donner les moyens d’accomplir une recherche sans demeurer dans la précarité, alors qu’il y a tant d’objets d’étude qui nécessiteraient que l’on soutienne ceux qui s’en saisissent.
- Quelle est selon vous le rôle de la recherche en sciences humaines et sociales ? En quoi est-il nécessaire de soutenir les chercheurs en SHS et particulièrement la jeune recherche ?
Je n’aurais pas la prétention de répondre à cette question. Bien qu’étant convaincue que la recherche en sciences sociales peut être utile, son rôle est à mon sens fortement limité en l’état actuel. Pour qu’elle puisse atteindre son potentiel critique, il faudrait des moyens pérennes, ce qui n’est pas souvent le cas. Et on sait que pour qu’elles s’accomplissent pleinement, les sciences humaines et sociales ont besoin de temps, de l’observation, des discussions, entre autres. En ce sens soutenir les chercheurs et les jeunes notamment, par le biais de bourse, de prix et de gratifications scientifiques, est nécessaire. C’est donner les moyens d’accomplir une recherche sans demeurer dans la précarité, alors qu’il y a tant d’objets d’étude qui nécessiteraient que l’on soutienne ceux qui s’en saisissent.