Interview with Yannis Boudina
The Fonds Louis Dumont 2022 has been awarded to Yannis Boudina, a doctoral student at the École des Hautes études en Sciences sociales (EHESS). His doctoral thesis focuses on Salafist religious reformism in Tizi-Ouzou, under the supervision of Baudouin Dupret and Marie Miran-Guyon.
In this interview, Yannis Boudina talks about his award-winning research project "Politics through ethics: ethnology of a Salafist reformism in contemporary Greater Kabylie". He talks about his career path, his visions as a young researcher and the impact of the Fonds Louis Dumont on his career. (Interview in french)
- Pouvez-vous nous présenter votre parcours ?
Après un parcours en droit et sciences politiques, je m’orientais vers des études de philosophie. Je découvrais ensuite l’ethnologie à la faculté de Nanterre puis à l’École des hautes études en sciences sociales où je soutenais un mémoire portant sur le façonnement des masculinités en Grande-Kabylie contemporaine, sous la direction d’Alain Mahé. J’entamais ensuite une thèse de doctorat portant sur un réformisme religieux salafiste se déployant à Tizi-Ouzou, sous la direction de Baudouin Dupret et Marie Miran-Guyon.
- Pouvez-vous nous présenter brièvement votre projet de recherche récompensé par le Fonds Louis Dumont ?
Ma recherche propose de comprendre le phénomène salafiste en Grande-Kabylie citadine, souvent décrite comme distante du fait religieux et tout à fait hermétique à l’islamisme.
L’objectif de décrire le jeu complexe au fil duquel ce salafisme apparaît, se propage et se maintient dans le centre urbain de la région, tout au long d’un bricolage quotidien, autour de multiples stratégies, négociations, circulations d’hommes et d’idées. En prenant pour point d’observation la ville de Tizi-Ouzou, le but est de saisir les rapports complexes et les multiples négociations à l’œuvre entre les salafistes, la puissance publique et les populations locales, par-delà l’idée d’une opposition ouverte et directe ou d’une résistance infrapolitique. Saisir ce phénomène dans toute sa densité invite à adopter une double focale : une approche par le haut des facteurs structurels qui rendent possible l’épanouissement de la nouvelle religiosité ; une approche par le bas décrivant cette religiosité à partir des trajectoires sociologiques des acteurs, permettant de saisir les négociations auxquelles elle donne lieu dans les environnements d’origine et les formes qu’elle prend dans des « vécus salafistes » pluriels.
- Quel a été impact de l’obtention du Fonds Louis Dumont dans le cadre de votre projet de recherche ?
Le Fonds Louis Dumont m’a permis de financer un terrain ethnographique de deux mois et d’enrichir la récolte du matériau. Je m’intéressais notamment aux interactions entre sécurité et religion et effectuais une ethnographie urbaine de la méfiance dans la ville de Tizi-Ouzou. Il s’agissait de décrire les symptômes urbains d’une « crise de la confiance », qui affleure dans la grammaire urbaine et les conversations ordinaires. L’injonction à « ne pas faire confiance » se traduit matériellement par l’inflation des dispositifs d’autoprotection : grillages aux fenêtres, doubles portes de ferronneries aux portes des domiciles, chiens de garde, caméras de surveillance au sein même des édifices religieux… C’est tout ce que je décrivais durant l’enquête. Il apparut que dans une ville où le quartier constitue le principal centre des médiations sociales, la mosquée de quartier permettait la constitution d’un certain « trombinoscope de la confiance » formant un réseau de visages familiers gravitant autour du lieu de culte.
- Quelles sont les perspectives d’évolution pour votre projet de recherche ?
J’envisage d’effectuer un terrain final durant l’été 2023, puis de poursuivre la rédaction de ma thèse, que j’entends soutenir durant l’année 2024.
Ma recherche propose de comprendre le phénomène salafiste en Grande-Kabylie citadine, souvent décrite comme distante du fait religieux et tout à fait hermétique à l’islamisme. (...) Le Fonds Louis Dumont m’a permis de financer un terrain ethnographique de deux mois et d’enrichir la récolte du matériau.
- Quel a été impact de l’obtention du Fonds Louis Dumont dans le cadre de votre projet de recherche ?
Le Fonds Louis Dumont m’a permis de financer un terrain ethnographique de deux mois et d’enrichir la récolte du matériau. Je m’intéressais notamment aux interactions entre sécurité et religion et effectuais une ethnographie urbaine de la méfiance dans la ville de Tizi-Ouzou. Il s’agissait de décrire les symptômes urbains d’une « crise de la confiance », qui affleure dans la grammaire urbaine et les conversations ordinaires. L’injonction à « ne pas faire confiance » se traduit matériellement par l’inflation des dispositifs d’autoprotection : grillages aux fenêtres, doubles portes de ferronneries aux portes des domiciles, chiens de garde, caméras de surveillance au sein même des édifices religieux… C’est tout ce que je décrivais durant l’enquête. Il apparut que dans une ville où le quartier constitue le principal centre des médiations sociales, la mosquée de quartier permettait la constitution d’un certain « trombinoscope de la confiance » formant un réseau de visages familiers gravitant autour du lieu de culte.
- Quelles sont les perspectives d’évolution pour votre projet de recherche ?
J’envisage d’effectuer un terrain final durant l’été 2023, puis de poursuivre la rédaction de ma thèse, que j’entends soutenir durant l’année 2024.