Anthropologie d'une pandémie

Séminaire de l'AFA | Mardi 12 janvier
Tuesday
12
January
2021
2:00 pm
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Le programme de l’année 2020-2021 porte sur la thématique : Détresses globales : politiques et productions de subjectivités. La discussion de la première séance de l'année s'ouvrira autour de l'ouvrage de Monique Sélim Anthropologie d'une pandémie.

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Cet ouvrage part de l’hypothèse que les anthropologues, en mobilisant la spécificité de leur regard, de leurs liens au terrain, de leurs pratiques d’observation concrète et de leur implication dans des réseaux sociaux locaux, familiaux, professionnels, associatifs et politiques, peuvent apporter des analyses originales de la conjoncture exceptionnelle créée par la pandémie de Covid-19. En repensant leurs méthodologies, des anthropologues restituent ici des cohérences singulières, individuelles et collectives et ouvrent des perspectives comparatives et transversales inédites. Quelles sont les figures de l’État, thérapeute et punitif, protecteur et oppresseur qui émergent de la crise sanitaire et économique ? quelles logiques subjectives engendrent-elles ? la Roumanie, l’Algérie, le Cameroun, le Soudan, la Colombie, la Chine, la France, l’Italie ont été retenus ici comme des cas exemplaires des brouillages, des contradictions et des catalysations en œuvre.

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Argumentaire du séminaire

Ce séminaire propose de repenser les dialogues et les mises à l’épreuve réciproques entre anthropologie et psychanalyse. Il s’efforce d’articuler trois lignes de questionnement :

  • Clinique du terrain et terrains cliniques : des anthropologues s’interrogent sur la nature des relations interpersonnelles développées durant leurs enquêtes, le sens et les modalités de leur écoute, et, corollairement, les mobiles intimes de la parole des acteurs. Les crises économiques et politiques qui bouleversent de nombreuses sociétés s’impriment, en effet, dans la situation ethnologique. De surcroît, l’ethnologue se trouve de plus en plus fréquemment en contact avec des populations en fragilisation croissante, en état de non inscription, et même d’errance.
  • Folie et État : on développera une réflexion croisée, d’un côté sur les effets sur les élaborations identitaires des nouvelles représentations du bien-être psychique, de l’autre, sur les instances de légitimation sur ce que serait une bonne santé psychique en termes de prévention, de diagnostic, de traitement et de leur évaluation. Enfin, le lien doit être souligné entre les terreurs issues de la violence de l’État et les confusions des registres du Réel, de l’Imaginaire et du Symbolique, qui font tenir l’existence singulière et les échanges sociaux. D’une certaine manière, la folie a disparu au profit de l’exclusion et de la stigmatisation des perdants. Dans les pays lointains qui ne rentrent pas dans cette industrialisation du soin, l’OMS., au contraire, préconise un retour aux dispositifs dits « traditionnels », légitimant médiums, devins et autres guérisseurs. Dans ces deux configurations du monde globalisé, les États jouent un rôle majeur, idéologique, symbolique, mais aussi institutionnalisant les corps des professionnels du soin psychique. La psychanalyse fait actuellement l’objet d’un débat social, d’autant plus aigu que c’est la singularité du sujet individuel qui est en jeu. La présence de la psychanalyse dans les institutions de soin et d’enseignement redevient l’enjeu d’une lutte, alors que la psychiatrie et la psychopathologie sont de plus en plus biologiques.
  • Un dernier volet : rouvrir le débat entre anthropologie et psychanalyse de l’ordre épistémique et épistémologique, à l’heure où le cognitivisme est, pour un nombre croissant d’anthropologues, un outil de validation de leurs recherches et de leurs résultats. La généralisation de l’économie de marché a eu des effets de plus en plus prononcés sur les définitions de la souffrance psychique, des troubles mentaux, leurs modes de diagnostic et leur traitement. Dans les démocraties industrielles, on constate la dominance des modélisations biologiques et neurologiques, le retour à un primat héréditaire et la mise en avant de polices de rééducation comportementaliste.

Coordinateurs

Olivier Douville, psychanalyste, Laboratoire CRPMS Université Paris 7, douvilleolivier@noos.fr

Nicole Khouri, sociologue, IMAF, khouri.n@wanadoo.fr

Julie Peghini, anthropologue, Maître de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’Université Paris 8, Laboratoire CEMTI, julie.peghini@univ-paris8.fr

Monique Selim, anthropologue, directrice de recherche émérite à l’IRD CESSMA, monique.selim@ird.fr

Ferdinando Fava, anthropologue,professeur à l’Université de Padoue, Laboratoire LAA UMR 7218 LAVUE, ferdinando.fava@unipd.it

 

Published at 12 January 2021