La diversité des formes de travail à l’ère numérique

Séminaire du GRETS - Mardi 1er décembre
Tuesday
01
December
2020
9:30 am
9:30 am
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Intervention de Patrice Flichy – LATTS – Université Gustave Eiffel. La séance sera introduite par Olivier Guillaume - EDF R&D.

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Les activités de travail ne se limitent pas au cadre du salariat. Le travail d’à côté » des classes populaires ou le « do it yourself » des classes moyennes correspondent à deux situations de cet autre travail qui se distingue des loisirs et a été pourtant largement ignoré par la sociologie du travail. Cet autre travail qui s’inscrivait dans un écosystème local et fermé prend une autre forme avec le numérique. On assiste à l’émergence d’un nouveau régime du travail, celui du travail ouvert. Un continuum apparaît entre les activités menées pour soi et les activités professionnelles. L’individu utilise les nouvelles ressources auxquelles il peut accéder : auto-apprentissage, coopération à distance, élargissement des destinataires de son activité, dans un cadre marchand ou non-marchand.

Le numérique offre des outils de travail permettant l’autonomie et la coopération. Les plateformes permettent d’accéder à des dispositifs de coopération larges et à de vastes marchés. Autant d’opportunités qui permettent de changer le travail. Grâce aux outils numériques pratiqués dans l’espace privé, il devient plus facile de produire pour soi ou pour d’autres. Le plaisir de faire peut se combiner avec le plaisir d’affirmer son identité (en montrant, par exemple, sa production sur sa page), avec le plaisir de donner. Mais ceci doit aussi s’accompagner de la nécessité de gagner sa vie. Les différents ressorts de l’engagement s’entremêlent. La mise sur le marché amène à contourner les barrières professionnelles, en s’appuyant sur les possibilités offertes par les plateformes, au niveau local comme au niveau mondial.

Mais cette diversité du travail ouvert n’empêche pas les inégalités. Les individus ne sont pas égaux face à ces nouvelles formes de travail. Les cadres et ceux qui exercent des professions cognitives sont confrontés constamment à des exigences en matière de créativité individuelle. Ils peuvent plus facilement combiner plusieurs activités, ou construire des effets de synergie entre activités privées et activités professionnelles. Ce sont des travailleurs digitaux intégrés. Pour les ouvriers et les employés, les opportunités que donne le travail ouvert sont plus restreintes. Il s’agit prioritairement de services à la personne : chauffeur de VTC ou réparateur à domicile. Voici des voies largement fréquentées en vue de changer de travail, d’en trouver un dans le cas des chômeurs. Pour les travailleurs désaffiliés, leur chance d’accéder à un travail numérique, sans aucune barrière à l’entrée, est beaucoup plus faible. Dans les services ou le travail du clic, les plateformes occupent une place dominante.

Cette recherche s’appuie sur un travail historique sur les formes de l’autre travail, sur une analyse secondaire de l’enquête INSEE « Histoires de vie » et sur une série d’entretiens consacrés aux nouveaux travailleurs du numérique.

Références

  • Patrice Flichy, « Le travail sur plateforme, une activité ambivalente », Réseaux 2019, n° 213
  • Patrice Flichy, Les Nouvelles Frontières du travail à l’ère numérique, Paris, Seuil 2017
  • Patrice Flichy, Le sacre de l’amateur. Sociologie des passions ordinaires à l’ère numérique, Paris, Seuil 2010


En savoir +

Patrice Flichy est sociologue, professeur émérite à l’université Gustave Eiffel, chercheur au Laboratoire Techniques Territoires et Sociétés (LATTS – UMR CNRS 8134).

Ses travaux portent sur l’innovation et sur le numérique. Il s’est intéressé ces dernières années à la question du travail.

Published at 1 December 2020