Des vagues aux institutions : l’émergence d’une ONG environnementale européenne

Rencontre du cycle « Océans : héritage commun, défis partagés »
Politiser les vagues
Le 8 avril dernier, dans le cadre du cycle « Océans : héritage commun, défis partagés », une rencontre passionnante réunissait la surfeuse Pauline Ado, le politologue Julien Weisbein et le journaliste Vincent Glavieux. Ensemble, ils ont exploré le rôle déterminant des ONG telle que la Surfrider Foundation Europe, dans la repolitisation du surf et l’émergence d’un véritable « gouvernement de la mer » en Europe. Une plongée à la croisée de la science, du militantisme et des vagues.

Vincent Glavieux a ouvert la rencontre en soulignant l’importance croissante des ONG dans la production de savoirs et leur rôle de courroie entre citoyens, experts et institutions.

Dans un contexte où la mer est trop souvent pensée comme un espace sans voix, sans droits, ni défenseurs, il rappelle la capacité des organisations à faire émerger de nouvelles formes de gouvernance. À la fois vigies critiques, actrices de terrain et partenaires des pouvoirs publics, les ONG incarnent un modèle hybride. Un équilibre délicat, mais stratégique, pour influencer les politiques environnementales sans se couper des mobilisations citoyennes.

Son introduction a permis de poser les termes du débat : comment une ONG comme la Surfrider Foundation Europe, née sur la plage, a-t-elle su conquérir un espace dans l’arène politique et scientifique européenne ?

Le surf, un art de vivre devenu levier politique

Longtemps perçu comme une pratique hédoniste éloignée des enjeux citoyens, le surf s’est mué en vecteur d’engagement environnemental. Cette transformation est incarnée par la Surfrider Foundation Europe. Depuis, l’ONG est devenue un acteur reconnu de la gouvernance maritime européenne, mobilisant militants, scientifiques et institutions.

Surfeuse professionnelle et ambassadrice de Surfrider Foundation Europe, Pauline Ado a partagé un témoignage à la fois personnel et engagé. Marquée dès l’enfance par la pollution côtière, elle s’implique dans les Initiatives Océanes, des campagnes de nettoyage mêlant action concrète et science participative.

Ce qui compte, ce n’est pas le nombre de déchets ramassés, mais la prise de conscience que ça génère

Pauline Ado

Une ONG entre expertise et activisme

Julien Weisbein, professeur de science politique, a retracé l’évolution stratégique de la Surfrider Foundation. D’abord contestataire (avec ses « Pavillons noirs »), l’association a peu à peu renforcé sa légitimité scientifique pour peser sur les politiques publiques. Avec des données collectées toute l’année sur la qualité de l’eau ou la pollution plastique, la Surfrider alimente les réflexions européennes et nationales sur la protection des milieux marins.

Les discussions ont aussi mis en lumière les tensions internes à l’univers du surf : opposition entre authenticité et professionnalisation, crispations autour des piscines à vagues, ou encore enjeux de parité, de diversité et d’accessibilité. La Surfrider tente de concilier ces contradictions en s’appuyant sur ses valeurs fondatrices et en restant fidèle à une vision engagée et collective du surf.

Aujourd’hui, Surfrider Foundation Europe est bien plus qu’un regroupement de surfeurs militants. Forte de ses 15 000 adhérents, de sa reconnaissance institutionnelle et de son ancrage dans 11 pays, l’ONG démontre qu’un lien sincère à l’océan peut se traduire en actions politiques puissantes.

Dans un monde où l’authenticité est rare, les surfeurs sont devenus des interlocuteurs crédibles car profondément enracinés dans leur milieu

Julien Weisbein
Published at 16 April 2025