Une histoire du changement climatique, XVe-XXe siècles

Les séminaires du GRETS ont pour vocation de présenter et mettre en débat des recherches récentes en sciences humaines et sociales, éclairant les transformations du monde de l’énergie autour de quatre grandes thématiques porteuses d'enjeux pour le Groupe EDF : transition énergétique et mobilité, acceptabilité sociale et controverses, transformation numérique et innovation et évolution des organisations.

Cette troisième séance du séminaire organisé par le GRETS, sera consacrée à "Une histoire du changement climatique ", par Fabien Locher, Groupe de recherche en histoire environnemantale (GRHEN | EHESS)

La transition énergétique constitue un enjeu majeur pour un énergéticien comme EDF, et au-delà pour l’ensemble des sociétés. Dans ce contexte, la séance se propose de s’inscrire dans une perspective historique pour mieux saisir les préoccupations contemporaines autour du changement climatique et tenter d’y apporter des réponses. Elle apportera un éclairage au prisme des angoisses et des espoirs repérables à différentes époques historiques afin de comprendre les évolutions et les permanences des sociétés dans leur rapport au changement climatique. De l'aube de l’époque moderne au milieu du XXe siècle, les sociétés occidentales ont débattu du changement climatique, de ses causes et de ses effets sur les équilibres écologiques, sociaux, politiques. On ne se préoccupait alors ni de CO2, ni d‘effet de serre. On pensait par contre que couper les forêts et transformer la planète modifieraient les pluies, les températures, les saisons. Cette question fut posée partout où l'histoire avançait à grands pas : par les Conquistadors au Nouveau Monde, par les révolutionnaires de 1789, par les savants et les tribuns politiques du XIXe siècle, par les impérialistes européens en Asie et en Afrique jusqu'à la
Seconde Guerre mondiale.

Cette intervention reviendra sur les angoisses et les espoirs de sociétés du passé qui, soumises aux aléas du ciel, pensèrent et anticipèrent des changements climatiques. Elle montre que la transformation du climat fut au cœur de débats fondamentaux sur la colonisation, Dieu, l'État, la nature et le capitalisme, et que de ces batailles ont émergé certains concepts-clés des politiques et des sciences environnementales contemporaines. Elle révèle à quel point cette question de l'action de l'homme sur l'atmosphère et les saisons a revêtu, de très longue date, une très forte dimension politique engageant notamment le rapport de l'Europe aux autres régions du monde ; la question coloniale ; la possibilité d'un effondrement, la chute des civilisations.

Si, pendant un bref laps de temps, l’industrie et la science nous ont inculqué l’illusion rassurante d’un climat impassible, il nous faut, à l'heure du réchauffement global, affronter de nouveau les révoltes du ciel

Fabien Locher est chargé de recherche au CNRS, membre du GRHEN (EHESS). Ses thèmes de recherche portent sur l'histoire des sciences du climat, de l'atmosphère, de la terre et des océans aux XIXe-XXe siècles, sur l' histoire des formes de gouvernement des ressources (communs, Etats, diplomatie environnementale), sur "gouverner la nature, gouverner la population : le (néo)malthusianisme après 1945, et sur la crise écologique, expertise et politiques de développement : une histoire environnementale de la crise sahélienne. 

ll travaille actuellement sur l'histoire environnementale de la mer au XXe siècle (France/empire français) : pêche, interactions hommes/cétacés, pollutions des mers et des littoraux, mobilisations environnementales et conservation.

Il était porteur du projet ANR GOVENPRO : L’histoire du gouvernement de l’environnement par la propriété (fin XVIIIe siècle-présent, Europe, États-Unis, mondes (post-)coloniaux) (2014-2018) et du projet « Guerre et environnement au 20e siècle » financé par le Réseau de Recherche sur le Développement Soutenable de la Région Île-de-France (R2DS) (2014-2017)

Il est membre du Conseil Scientifique de CNRS Sciences Humaines & Sociales (ex-INSHS), du Conseil de laboratoire du Centre de Recherches Historiques, du Conseil d'Administration du réseau RUCHE (le réseau des historiens de l'environnement des pays francophones), du Conseil scientifique du projet ANR LIFEDEEPER et membre du GDR interdisciplinaire OMER (Océan et MERs).

• Les révoltes du ciel. Une histoire du changement climatique (XVe-XXe siècle), Paris, Seuil, coll. "L'Univers historique", 2020 (avec J.B. Fressoz).
• Posséder la nature. Environnement et propriété dans l'histoire, Paris, Amsterdam éd., édition revue et augmentée, 2022 (codir. avec F. Graber)
• La nature en communs. Ressources, environnement et communautés (France et empire français, XVIIe-XXIe siècle), Ceyzérieu, Champ Vallon, 2020
• « Défendre la mer. Les mobilisations contre la prospection pétrolière en mer sur le littoral français (1950-1980) », à paraître
• « Poissons et baleines de l'Empire : Concessions, conservation et souverainetés maritimes en AOF et en AEF (1900-1945) » à paraître in Thomas Le Roux, Raphaël Morera, La nature sous contrat. Concession, histoire et environnement, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2024
• « Reconstruire la pêche française. État, écologie et modernisation (1939-1958) », Le Mouvement social, 2022/1, 278, pp. 73-88
• « Neo-malthusian Environmentalism, World Fisheries Crisis and the Global commons, 1950s-1970s », The Historical Journal, 63(1), february 2020, pp. 187-207