Ingénierie technique et ingénierie sociale face aux contextes de mise en œuvre

Intervention de Jean-Pierre Olivier de Sardan – LASDEL – CNRS

« Ingénierie technique et ingénierie sociale face aux contextes de mise en œuvre »

La séance sera introduite par Catherine Grandclément et Arthur Jobert EDF R&D.

Les porteurs de programmes et projets de tous secteurs ont en commun de s’appuyer sur des « boîtes à outils », des « process » et des « bonnes pratiques ». Idéalement, ces procédés doivent être efficaces et reproductibles. Partant de sa longue expérience des politiques de développement, Jean-Pierre Olivier de Sardan interroge radicalement les fondements de cette ingénierie.
Les politiques publiques comportent en effet, souvent une composante d’ingénierie technique enchâssée dans un ensemble de
dispositifs relevant de l’ingénierie sociale, c’est-à-dire de « dispositifs d’intervention planifiée, élaborés par des experts, visant à implanter ou modifier des institutions et/ou des comportements dans des contextes variés ».

Le rapport de ces deux types d’ingénierie aux contextes locaux où ils sont mis en œuvre est inverse : alors que l’ingénierie technique a une efficacité intrinsèque relativement indépendante des contextes locaux où elle est déployée, l’ingénierie sociale est au contraire très dépendante de ces derniers (c’est-à-dire des réactions multiples et largement imprévisibles des acteurs locaux concernés).
Les importants écarts entre ce qui était prévu sur le papier et ce qui se passe effectivement sur le terrain (implementation gaps) témoignent de cette prééminence des contextes locaux sur l’efficacité intrinsèque supposée de l’ingénierie sociale. Toute politique publique, où que ce soit, subit ainsi « l’épreuve des contextes », qui mettent plus ou moins à mal son architecture, ses objectifs, ses instruments, ou les trois.

L’industrie du développement, située au Nord, qui produit sans cesse des politiques publiques standardisées (« modèles voyageurs ») à destination des pays africains est un cas historique où les écarts et les effets inattendus sont particulièrement importants. Les normes pratiques des acteurs locaux chargés de mettre en œuvre les interventions en ingénierie sociale (agents des « projets de développement »), et les normes sociales des destinataires de ces interventions (populations locales) sont le plus souvent fort éloignées des normes officielles, protocoles, procédures, règles d’accès, et conditionnalités édictées par les concepteurs et censées garantir l’efficacité intrinsèque des programmes de développement.

Les exemples, comme on le verra, ne manquent pas. Si ceux-ci portent sur les politiques de développement au Sud où la « revanche des contextes » est particulièrement flagrante, le propos a une portée plus générale et concerne l’ensemble des politiques et dispositifs revendiquant une efficacité intrinsèque. Pour aller au-delà du diagnostic, Jean-Pierre Olivier de
Sardan développera dans sa communication d’autres pistes pour l’ingénierie sociale, comme, notamment, celle des « experts contextuels »

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