Comment évaluer les dégâts matériels causés lors de l’insurrection malgache ?

Les interprétations économétriques des effets de la domination coloniale moderne fondées sur les statistiques coloniales et les recherches qui interrogent les interactions entre les empires coloniaux, les populations colonisées et les institutions internationales, suscitent un intérêt renouvelé pour la production statistique impériale. Celle-ci reste pourtant mal connue.

Découvrez la cinquième séance du séminaire « Chiffrer et déchiffrer les empires, XVIII-XXI^e siècles » : « Comment évaluer les dégâts matériels causés lors de l’insurrection malgache de 1947 et de sa répression ?  » avec Naomi Bell, doctorante contractuelle depuis septembre 2023 à l’université Paris 1 Panthéon Sorbonne rattachée à l’Institut des Mondes Africains (IMAF) et en collaboration avec le Centre de Recherche en Informatique (CRI) et le Pôle Informatique et de Recherche en Histoire (PIREH). Sa thèse s’intitule « Se révolter à Madagascar en 1947 : destructions, "dommages de guerre" et indemnisations. Lecture économique et sociale d'une révolte en contexte colonial » et se déroule sous la direction d’Anne Hugon et de Samuel F. Sanchez. L’objectif de celle-ci est de porter un nouveau regard sur la révolte malgache de 1947 à l’aide de dossiers d’indemnisation.

Dans la nuit du 29 au 30 mars 1947, une révolte éclate sur la côte orientale de Madagascar, causant d'importants dégâts humains et matériels, touchant à la fois les propriétés coloniales et les habitants de statut indigène. Bien que le nombre de victimes ait été largement débattu dans l’historiographie française, les questions liées aux dégâts matériels et aux réparations restent largement inexploitées. Le classement du fonds du Haut-Commissariat de Madagascar, regroupant près de 9 329 demandes de réparation consécutives à l’insurrection de 1947, offre désormais des perspectives inédites pour l’analyse historique. Cette communication se concentre sur les pratiques d’évaluation des dégâts matériels imputables aux insurgés, ainsi que sur ceux provoqués par les troupes militaires lors de la répression. Elle explore l’utilisation de cette documentation chiffrée pour revisiter la révolte de 1947 et, plus largement, les révoltes anticoloniales et les processus d’indemnisation dans l’empire colonial français. L’étude s’appuie d’abord sur l’analyse des documents d’archives, notamment les dossiers d’indemnisation et leurs pièces constitutives. Ensuite, le fonctionnement du processus d’évaluation est examiné afin d’interroger la construction des chiffres. Enfin, des hypothèses d’interprétation sont proposées concernant les usages possibles de ces données pour une relecture approfondie de la révolte malgache de 1947.