Parcours d'intellectuels en exil

L'exil intellectuel de Milan Kundera par le politologue Jacques Rupnik
parcours intellectuel en exil

L’exil n’a jamais épargné les intellectuels. Il a même été, au xxe siècle et jusqu’à nos jours, une des conditions habituelles de la vie de l’esprit. Mais s’il force la pensée et la création à s’interrompre, il les amène parfois aussi à s’épanouir ailleurs, voire même à se nourrir de cette situation faite de pertes et de contraintes.


Organisé par la Fondation Calouste Gulbenkian et la FMSH, à l’initiative d’Álvaro de Vasconcelos, le cycle de conférences « Parcours d’intellectuels en exil : un humanisme sans frontières » cherche à rendre visibles la complexité de ces trajectoires intellectuelles et leur importance, tant pour le renouveau de la pensée que pour celui de la démocratie.

Milan Kundera, un passeur entre deux Europes

Le 28 mars 2023 se tenait la conférence « Milan Kundera, un passeur entre deux Europes ». En discussion avec l’intervenante Iryna Dmytrichina, le conférencier et politologue Jacques Rupnik est revenu sur le parcours de Milan Kundera, figure du renouveau culturel des années soixante en Tchécoslovaquie, qui a quitté son pays après l’écrasement du Printemps de Prague et l’instauration d’une répression baptisée « normalisation ». Retour sur l’exil littéraire de ce célèbre auteur naturalisé français avec Jacques Rupnik.

Le choix de la France

« Milan Kundera était l’une des figures du Printemps de Prague, et son roman  
La Plaisanterie est souvent identifié comme le roman ayant été traduit dans toute l’Europe en 1968. Après l’invasion de son pays par l’Armée rouge, Milan Kundera s’est trouvé soudainement proscrit, interdit de publication et totalement marginalisé. C’est dans ce contexte qu’il a décidé de s’exiler au mileu des années 1970, en choisissant la France, son pays de prédilection, et notamment Paris, ville de la culture et de la littérature. Milan Kundera a ainsi trouvé à l’École des hautes études en sciences sociales un accueil, un port d’attache. Dirigée par François Furet à l’époque, l’école se voulait un pont entre l’Europe centrale et la France. C’était le cas pour Kundera mais également pour beaucoup d’autres intellectuels, chercheurs, universitaires qui sont venus en France, notamment après le coup d’État du général Jaruzelski en Pologne.

L’exil libérateur

L’exil littéraire est un tourment, une souffrance pour beaucoup d’écrivains ; depuis Ovide, relégué dans le delta du Danube, jusqu’à la longue lignée de grands intellectuels qui se sentent isolés de leur public et nostalgiques de leur pays. Pour Kundera, c’est le contraire. Il trouve dans l’exil une libération .Libre de la censure et de la surveillance policière qu’il subissait à Prague en 1968 sous le régime de normalisation, et libre de ses choix : choisir une langue, un pays d’accueil, une culture. Un choix qui lui permet d’ailleurs d’enrichir son audience et sa portée, désormais européenne et mondiale. Son exil s’inscrit dans un contexte communiste oppressant pour les intellectuels. Depuis le XIXe siècle en Europe centrale, la culture est le substitut du politique. Les écrivains doivent porter le poids de la nation et de la défense de la langue. Ils sont au service de la cause socialiste pour certains, ou  au service de la cause des droits de l’homme pour les dissidents. Milan Kundera découvre alors en France l’émancipation de la culture vis-à-vis de l’idéologie et du contrôle politique. Son exil est libérateur : il n’est au service que de son œuvre et de la littérature. C’est avant tout cela, la grande aventure de l’exil pour Milan Kundera : l’aventure de la littérature. »

Cycle de conférences

La conférence réunissant Jacques Rupnik et Iryna Dmytrichina fut la première d’un cycle composé de quatre conférences :
« Milan Kundera, un passeur entre deux Europes », 28 mars 2023, Jacques Rupnik et Iryna Dmytrichina
« Intellectuels français en exil : les implications de l’hospitalité », 18 avril 2023, Joël Roman et Vassiliki-Piyi Christopoulou  
« Celso Furtado : un exil académique », 30 mai 2023, Rosa Freire d’Aguiar, Afrânio Garcia et Glauber Sezerino
« L’exil : comme libération et réinvention de l’identité », 13 juin 2023, Lun Zhang et Émilie Frenkiel.

Fruit d’une collaboration engagée depuis plus de 10 ans avec la Fondation Calouste
Gulbenkian et fondée sur des valeurs partagées telles que le soutien à la démocratie et aux droits humains, ce cycle de conférences était l’occasion de reconnaître l’urgence de l’hospitalité dans un monde en crise et de réaffirmer l’importance d’un humanisme sans frontières.

Parcours d'intellectuels en exil : un humanisme sans frontières
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Parcours d’intellectuels en exil : un humanisme sans frontières

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Publié le 10 janvier 2024