Phénoménologie de la violence politique : formes, sens et expériences sensibles de l’émeute

Séminaire Violence et sortie de la violence - Jeudi 3 mai 2018
Jeudi
03
mai
2018
17:30
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Les analyses sociologiques et politiques de la violence émeutières suivent en principe deux perspectives différentes. La première cherche à dégager les facteurs issus du contexte social, susceptibles d’expliquer l’apparition de la violence émeutière (inégalités sociales, exclusion, discriminations, expériences de l’injustice, etc.). La seconde perspective, quant à elle, vise à comprendre les processus et la dynamique des violences en s’appuyant sur un profilage sociologique des émeutiers. La plupart des études s’accordent pour établir un diagnostic sociologique selon lequel la généralisation de la frustration sociale favoriserait l’expérience émeutière. En bref, il y a une base institutionnelle (sociale, politique et culturelle) qui constitue un ensemble de conditions importantes pour l’expression des formes de violence.

Pour le formuler autrement, il existe des configurations sociales spécifiques qui créent des conditions favorables aux expressions émeutières. L’objectif de cette communication est de se plonger plus au cœur de l’émeute pour en déceler sa réalité sensible et son vécu subjectif. Autrement dit, il s’agira de décrire l’expérience subjective de l’émeute, la façon dont les émeutiers mettent en sens leurs actes, les thématisent et en donnent une explication. Romain Huët tâchera alors de réaliser une « phénoménologie » de l’émeute au sens où elle sera comprise comme une « expérience sensible » produisant une série d’affects, de rapports sociaux, et de pratiques symboliques qui maintiennent ou encouragent les activités à la stratégie émeutière. Il tentera d’appréhender l’émeute dans une perspective de « corps assemblés en des lieux »  afin d’examiner les effets de verticalisation corporelle qui l’orientent ; c’est ainsi éprouver l’unité phénoménologique depuis laquelle cet acte se donne simultanément comme action et affection. C’est reconnaître, donc, l’acte de l’émeutier pour ce qu’il est et éviter de re-présenter autre chose que lui : une colère, une perte de repères, une haine, etc.

Intervenant

Romain Huët, est maitre de conférences en sciences de la communication à l'Université Rennes II. Il est en charge d'un programme de recherche : "Catastrophes, milieux désorganisés et expérience de la violence. Socio-anthropologie de l'agir humain en contexte précaire et indéterminé" au sein de l'Institut des Sciences de la communication (CNRS/Paris-Sorbonne). Il est également membre de l'ANR SoV - Sortir de la violence mené à la FMSH. Ses travaux consistent notamment en une anthropologie de la violence. Il a particulièrement travaillé sur la Syrie pour examiner la quotidienneté de la guerre au moyen d'une immersion au sein de brigades rebelles (2012-2014). Il a notamment restitué cette expérience dans un article paru dans la revue Cultures et conflits, "Quand les malheureux deviennent des enragés. Ethnographie de Moudjahidines syriens (2012-2014)", n°97, 2015, pp. 31-75. Depuis quelques années, il s'intéresse plus particulièrement à la dimension sensible et affectuelle de la violence en examinant la violence en train de se faire dans des contextes de conflits armés ou dans des formes de violence de faible intensité comme les émeutes.

Publié le 3 mai 2018