Le clivage entre perspectives individuelles et collectives exacerbé par l’informatique

La Maison Suger a le plaisir d’accueillir la quatrième séance du cycle de séminaires « Accumulations et accélérations : Le totalitarisme informatique I/II/III », avec Julien Gobin, économiste et philosophe, auteur de L’individu, fin de parcours ? Le piège de l’intelligence artifi­cielle, Gallimard 2024

On sait que l’informatique permet de faire plus et plus vite. Or, l’individu « le nez sur le guidon » et grisé par la vitesse est moins disponible pour voir au-delà de sa propre situation. De surcroît, l’appréciation des apports d’une facilité technique, telle que l’automobile, la machine à laver ou le mail, est souvent viciée dans l’espace et dans la durée. Sur le plan temporel, une progression en termes d’efficience à l’unité débouche régulièrement sur un accroissement du nombre d’unités (effet rebond). On n’a donc jamais fait autant de photos que depuis la diffusion de l’appareil digital ! Dans l’espace, caractérisé par des rivalités, les nouvelles techniques se soldent fréquemment par un jeu à somme nulle : les avancées ou avantages obtenus par chacun sont compensés ou annulés par ceux des autres. On assiste ainsi à un mouvement (« entropique », diront certains) vers une baisse générale de la performance dans la société industrielle.

Après le succès des deux premières années du séminaire, consacrées à l’emprise totalisante de l’informatique, un troisième cycle est organisé pour explorer de nouvelles contrevérités. La promesse de communautés virtuelles s’avère parfois nocive pour les relations physiques. Le télétravail, loin de favoriser l’égalité, accentue les disparités. L’école mécanisée, présentée comme vertueuse, tend à réduire l’éducation à un simple conditionnement. Et le fantasme de l’humain « augmenté » renforce les logiques capitalistes d’accumulation et de vitesse.

Le séminaire analysera également les menaces d’une guerre automatisée et la rationalisation machinique des soins médicaux, qui peut masquer les causes environnementales de nombreuses maladies. Les nouvelles techniques de manipulation de textes, sons et images rendent de plus en plus difficile la distinction entre vrai et faux. Enfin, l’artificialisation de la vie engendre une individualisation sans fin : l’être humain isolé est pris dans une course vers des jouissances techniques immédiates et peine à appréhender les enjeux collectifs.

Inspiré d’une pédagogie interactive, le séminaire est gratuit et sans inscription. Il s’adresse à tous les intéressés, notamment aux étudiants et chercheurs en sciences humaines, en droit et en philosophie.