Lost in translation

Une ethnographie de la traduction dans le milieu humanitaire au Cambodge
lauréate 2023 fonds Louis Dumont
lauréate 2023 fonds Louis Dumont bannière
Projet lauréat du Fonds Louis Dumont 2023

Découvrez le projet lauréat 2023 "Lost in translation. Une ethnographie de la traduction dans le milieu humanitaire au Cambodge" du fonds d'aide à la recherche en anthropologie sociale, le Fonds Louis Dumont.

Le projet

Ce projet de recherche se concentre sur la place des intermédiaires et médiateurs khmers en charge de la traduction dans le milieu de l'aide au Cambodge. Pivot crucial de l'établissement de la philanthropie contemporaine, ces acteurs sont très souvent invisibilisés parfois au profit des humanitaires eux-mêmes ou des populations dites bénéficiaires. L'étude de leur statut et de leur rôle permet d'éclairer à la fois les enjeux de la traduction dans le milieu humanitaire mais également montre comment leur parcours individuel est directement influencé par les différentes vagues de développement que le pays a connu.

Dans les années 90, le Cambodge était considéré comme une zone prioritaire, motivant les interventions humanitaires dans de multiples domaines suite aux Accord de Paris de 1991. Le champ d'action est vaste et le paysage parsemé de ces multiples ONG. À la fois formateurs et employeurs idéaux, ces organismes venus de l'international pour "relever le pays" à la suite du génocide des Khmers Rouges s'intéressent également à la politique, la sphère des affaires, aux sphères diplomatiques et religieuses, donc bien au-delà des secteurs dits prioritaires de la santé et de l'éducation. 

À la levée de l’embargo, en 1992, c’est l’affolement général, surtout pour la Communauté Internationale : Sabine Trannin note que « le sentiment de culpabilité de n’avoir rien vu et le tapage médiatique autour de ce drame historique débouchent sur une sorte de cohue humanitaire ». Dès 2003, Trannin comptabilisait près de 800 ONG, comprenant les associations locales, françaises ou internationales. Ce nombre n’a cessé de croître depuis, pour atteindre en 2018 près de 1350 ONG, locales et internationales (Trannin : 2005). Pour autant, cette présence n’a pas abouti à une amélioration significative des conditions de vie d’une grande partie de la population, ce qui pose la question de la réelle motivation et de l’efficacité de certaines de ces ONG. Au lieu de s’inscrire dans une démarche éphémère destinée à résoudre une situation de crise de manière ponctuelle, au Cambodge, ces organisations s’installent, perdurent et inventent de nouvelles formes d’accompagnement s’inscrivant dans les logiques de la globalisation, dans une sorte de partenariat avec l’État cambodgien.

Rencontrer les interprètes et personnes en charge de faciliter les échanges lors des missions humanitaires et des projets de développement permet d'analyser une partie du cadre conséquentialiste des actions humanitaires menées depuis plus de 30 ans sur le territoire cambodgien. Cette ethnographie interroge également la place de ces personnes et de leur fraterie au sein de la famille, les choix auxquels ont pu opérer leurs parents pour que leurs enfants soient polyglottes ainsi que le rayonnement que leur nouveau statut peut avoir sur leur famille. 

Cette ethnographie se situe à la croisée de l'anthropologie du développement, du politique et de la parenté en portant un intérêt particulier au discours. 

Sarah Kerboas


Sarah Kerboas est doctorante en anthropologie au LISST-CAS (Toulouse), CASE (Paris). Elle travaille  sous la direction de Catherine SCHEER et Jérôme Courduriès. Ses recherches sont axées sur la question de la traduction et de la place des interprètes dans le milieu humanitaire eu Cambodge. À travers cette thématique, elle questionne le phénomène plus global qu'est le développement et comment ses dynamiques viennent modifier sensiblement certains parcours de vie, qui oscillent entre acceptation et résistance. 

Sarah Kerboas - lauréate fonds louis Dumont 2023
Publié le 26 septembre 2023