Les forces spéciales américaines : vers une refondation ?

""

Working paper de Philippe Rousselot 

Créées en 1952 pour mener une guerre d’un type nouveau, selon l’expression de J. F. Kennedy, les forces d’opérations spéciales américaines (SOF) sont, après l’Afghanistan et l’Irak, au seuil d’une profonde évolution.

Le contexte s’y prête : la présidence Obama excluant tout recours à de grandes opérations, l’utilisation de la force leur est confiée préférentiellement. Jouissant d’une protection politique qui leur vaut un budget particulièrement confortable, bénéficiant dans l’opinion populaire comme au sein du Congrès d’un soutien exceptionnel, les SOF ont su se mettre à l’écoute de la stratégie présidentielle. C’est pourquoi elles ont pris un temps d’avance considérable dans la gestion des conflits en mode inter-administration. Elles ont créé un réseau mondial, fondé à la fois sur un redéploiement géographique de leurs forces et sur la mise au point de partenariats avec des unités d’autres pays. La toile de ce réseau global s’étend aujourd’hui sur les deux tiers des Etats du monde. Elle se construit sur un socle classique de formation et de coopération, mais également sur la conviction que les SOF sont un facteur de confiance envers les Etats-Unis. Pour parvenir à ce dernier objectif, elles doivent créer un nouveau type de soldat, à la fois commando, diplomate et coopérant technique. Ce nouveau départ se heurtera sans doute à de grandes difficultés. Cependant, les premières mesures sont prises. Elles annoncent un recours ponctuel à la force par des opérations souvent violentes et toujours politiques, qui relèvent plus de l’action de police que des opérations de guerre. Ces dernières sont laissées aux partenaires et aux alliés, qui doivent désormais compter sur eux-mêmes et sur le seul soutien, sur leurs arrières, des SOF. Au terme de cette logique, les SOF pourraient se spécialiser – innovation majeure – dans l’évitement de la guerre.

L’analyse théorique de ces nouvelles pratiques – que l’on ne saurait extraire d’un plan stratégique plus général – se révèle difficile et contrastée d’un auteur à l’autre. Peu d’entre eux ont vu que les SOF annoncent un nouveau mode d’intervention militaire, plus au service de l’ordre et de la paix qu’à celui de la guerre et de son chaos.

L'auteur

Philippe Rousselot, président d’Hestia Expertise, est docteur en histoire. Il anime, en association avec la chaire de Géopolitique appliquée du Collège d’études mondiales, les activités d’Hestia Expertise principalement consacrées, en 2016, au Maghreb et à la guerre spéciale. Il coordonne également les publications du carnet de recherche d’Hestia Expertise (hestia.hypotheses.org). Il est membre du conseil d’administration du Réseau français des Instituts d’études avancées.

Le texte

Ce texte a été rédigée au cours de l’année 2015 et achevé le 15 janvier 2016. Hestia Expertise, dans le cadre de ses travaux au sein de la FMSH, consacre une part importante de son année 2016 au lancement d’un programme de recherche sur la guerre spéciale. Marqué par un colloque (mars 2016), la création d’une bibliographie raisonnée, des liens avec d’autres centres de recherche et la publication de travaux,ce programme est inauguré par la publication de ce travail dont le but est de présenter à la communauté académique un sujet mal connu en France.
L’auteur remercie le général Dominique Champtiaux, Frédéric Mauro, Vincent Téjedor, Guillaume D., Augustin C. et Arnaud Borremans pour leur relecture de ce document.

Citer ce document :

Philippe Rousselot, Les forces spéciales américaines  : vers une refondation  ?, FMSH-WP-2015-108, mars 2016.

 

Pour télécharger ce document sur HALSHS

Publié le 22 mars 2016