Extensions de la personne : soins et dangers liés à la documentation et à la circulation de chants chez les Ye'kwana

Séminaire d'Anthropologie américaniste | Vendredi 15 novembre
Vendredi
15
novembre
2019
10:00
10:00
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Première séance du séminaire d'Anthropologie américaniste

Intervenant :
Majoi Gongora (CEstA Centre d’études amérindiennes– Université de Sao Paulo)

Discutant :
Olivier Allard (EHESS)

Dans cette présentation, j'analyse les expériences récentes des Ye'kwana de la région d'Auaris avec les « projets de sauvegarde et de valorisation culturelle ». Je me consacre en particulier aux travaux de documentation menés au Museu do Índio (Rio de Janeiro, Brésil) depuis 2017 et aux implications cosmo-pratiques de la production de collections documentaires à partir des enregistrements audiovisuels et sonores. Dans ce projet visant à documenter les chants acchudi et ädeemi, les Ye'kwana se sont mis au défi d'enregistrer des connaissances dont la transmission intergénérationnelle est compromise, tout en ayant des régimes de circulation spécifiques. Dans la perspective ye'kwana, prendre soin des chants c’est, entre autres choses, contrôler sa diffusion. J'aborderai la complexité de ces initiatives qui suscitent une réflexion critique sur la production et la diffusion d'enregistrements audiovisuels et sonores. L’aspect le plus remarquable est que l'enregistrement de la performance d'un « maître de chant » (acchudi edhaajä) capture son « double » (äkaato) qui constitue non seulement l'un des éléments constitutifs de sa vitalité, mais aussi une extension de son intelligence/sagesse (sejje). Le caméscope et l’enregistreur audio sont perçus comme des technologies de capture ou dispositifs qui « saisit » les aspects vitaux et l’intelligence d’une personne. De tels enregistrements, stockés sur différents supports, peuvent facilement être diffusés et emportés jusqu'aux confins du monde et servent ainsi de moyens de dispersion de la vitalité de la personne, entraînant l’oubli et l’affaiblissement. Plus la dispersion de ses extensions est grande, plus elle est vulnérable aux divers êtres non humains agressifs.


 

Contact : anathari@ehess.fr

Publié le 15 novembre 2019