Revue Socio


La revue Socio lance un appel à contributions sur la thématique « Qu’est-ce qu’une enquête décoloniale ? ».
Le dossier est coordonné par Jean-Pierre Dozon (Institut des mondes africains) et Stéphane Dufoix (Université Paris-Nanterre, Sophiapol).
Les intentions de contributions (titre, résumé de deux pages et bibliographie) doivent être envoyées à Socio avant le 20 juillet 2025. Les articles devront être remis pour le 17 novembre 2025.
Apparues au tournant des années 2000 dans le cadre d’un réseau complexe mêlant chercheur·e·s en sciences humaines et sociales travaillant en Amérique latine ou aux États-Unis, les études décoloniales ont très tôt voulu marquer leur différence par rapport aux études postcoloniales des années 1980 et 1990. À la fois plus radicales et se méfiant explicitement de la façon dont les études postcoloniales étaient restées prisonnières de références largement occidentales – au travers d’auteurs tels que Gramsci, Derrida et Foucault –, elles défendirent la nécessité de penser la modernité au moyen de nouveaux concepts tels que transmodernité, colonialité, décolonialité, désobéissance épistémique, plurivers, épistémologies autochtones, pensée frontalière – ce dernier emprunté à Gloria Anzaldúa (2022). Le détachement par rapport à la pensée hégémonique de la modernité devait prendre en compte l’existence de pensées conceptuelles minoritaires ayant été réduites au silence. L’importance de ces dernières n’est d’ailleurs pas une spécificité des auteurs et autrices officiellement considéré·e·s comme décoloniaux·ales, notamment si l’on prend en compte les travaux antérieurs de chercheur·e·s comme Valentin-Yves Mudimbe (2021), Syed Hussein Alatas (1977), Guillermo Bonfil Batalla (2017) ou encore Akinsola Akiwowo (1986).
Si le collectif Colonialité/modernité/colonialité (CMC) n’a fonctionné en tant que collectif que pendant une quinzaine d’années – environ du milieu des années 1990 jusqu’à la fin des années 2000 –, ses principaux auteurs et autrices (Aníbal Quijano, Enrique Dussel, Walter Mignolo, Catherine Walsh, Arturo Escobar, Edgardo Lander, Maria Lugones, Ramón Grosfoguel ou encore Nelson Maldonado-Torres) ont connu un succès grandissant dans le monde hispanophone et anglophone, même si le monde francophone ne connaît encore que peu de traductions de leurs ouvrages ou articles (Colin et Quiroz, 2023). Elles ont également été très décriées, en particulier pour leur faiblesse empirique contrastant avec une assez forte architecture épistémologique, conceptuelle et politique.
En partant précisément de ce déséquilibre, la revue Socio lance un appel qui pourrait comporter deux volets.
Le premier volet viserait à interroger la manière dont les thèses décoloniales, arrimées ainsi à leur production théorique, mettent très directement en cause, voire invalident les manières « traditionnelles » ou consacrées de conduire des enquêtes ou de faire du terrain au sein des mondes colonisés ou périphériques et, par là même, les connaissances (en forme d’articles, de thèses, d’ouvrages, de films documentaires, etc.) qui en ont résulté ou qui en résultent encore.
Le second, en miroir du premier, consisterait à définir et à illustrer ce qu’est ou ce que pourrait être une « enquête décoloniale », qu’elle soit inter- ou pluridisciplinaire, ou bien plus résolument engagée dans une discipline des sciences humaines et sociales telle que la sociologie, l’anthropologie, l’histoire, la science politique, la linguistique, la philosophie, les
études littéraires, la psychologie ou la psychanalyse… Certains exemples francophones récents (Luste Boulbina, 2025 ; Ferdinand 2024 ; Goddard 2024 ; Boni et Mendelsohn 2023 ; Canut 2021) fournissent des pistes très intéressantes qu’il serait intéressant d’étudier. Il s’agirait de montrer comment l’enquête décoloniale – faites par des chercheur·e·s issu·e·s de mondes non-occidentaux ou non, mais la différence est peut-être ici centrale –, en inventant de nouveaux cadrages, protocoles, formes de restitutions, renouvelle ou est susceptible de renouveler en profondeur les connaissances que l’on avait des mondes colonisés ou périphériques.
Les propositions d’articles d’environ 5 000 signes (2-3 pages, bibliographies et notes incluses) sont à soumettre par mail jusqu’au 20 juillet 2025 au secrétariat de rédaction. Elles devront permettre de saisir précisément à la fois les matériaux de recherche sur lesquels reposera l’article, ainsi que sa problématique et la démarche intellectuelle dans laquelle l’auteur s’inscrit, les principales thèses et résultats des recherches menées et les principales notions et références mobilisées.
Après acceptation de la proposition, l’article, autour de 30 000 signes (notes et bibliographie comprises), devra parvenir à la revue au plus tard le 17 novembre 2025. Il sera alors soumis au comité de lecture de la revue et à des rapporteurs extérieurs.
Il est attendu un effort particulier sur l’écriture et un style qui mettent suffisamment en perspective les enjeux de l’article pour qu’il puisse susciter un intérêt au-delà d’un cercle restreint de spécialistes.
Les auteurs sont invités à respecter autant que possible les recommandations figurant sur le site de la revue.
Clôture de l'appel
20 juillet 2025
Rendu de l'article
17 novembre 2025


Prix Ariane Deluz
