Vœux de l'administrateur aux personnels de la FMSH

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"La Fondation fête cette année ses cinquante ans... Le paradoxe est que pour nous inscrire dans la continuité des valeurs fondatrices de la MSH, nous devons nous transformer nous-mêmes, prendre des initiatives, innover..."

Chers Collègues, Je voudrais vous remercier d’être venus nombreux à cette cérémonie, qui est d’abord l’occasion pour votre administrateur de vous témoigner sa reconnaissance. La Fondation a vécu des moments difficiles ces dernières années et a fait l’objet d’une remise en cause si profonde de la part de nos tutelles qu’elles envisageaient jusqu’à sa dissolution lorsque je suis arrivé en 2009. Elle a dû répondre à des exigences incontournables et se remettre en cause sur plusieurs plans. Sans votre action, sans votre dévouement, elle ne serait pas ce qu’elle est aujourd’hui, une institution ayant retrouvé la santé économique et budgétaire, appréciée par toute sorte de partenaires, capable de jouer pleinement son rôle dans un environnement pourtant difficile et incertain. Une institution qui est maintenant soutenue par l’Association des Amis de la FMSH – 500 membres en quelques jours – je salue la présence parmi nous du président de cette association, Immanuel Wallerstein, et de son secrétaire général, Laurent Lévi-Strauss. J’ai conscience que pour vous, cette période d’incertitudes a pu être souvent source d’inquiétudes – pour moi aussi bien sûr. Non seulement nos efforts, vos efforts n’ont pas été vains, mais aussi la Fondation peut envisager l’avenir et son développement de manière plus optimiste. Le paradoxe est que pour nous inscrire dans la continuité des valeurs fondatrices de la MSH, nous devons nous transformer nous-mêmes, prendre des initiatives, innover, inventer, nous relancer. La Fondation fête cette année ses cinquante ans. La cérémonie des vœux qui nous réunit aujourd’hui est le premier événement qui marque cet anniversaire, et j’ai tenu à ce qu’il en soit ainsi : c’est entre nous qu’il doit d’abord être célébré. Un tel anniversaire est l’occasion d’évoquer le passé, et d’évoquer l’action de celles et ceux qui nous ont précédés. Comme vous verrez, cela devrait nous aider à réfléchir. Le 4 janvier 1963, le premier Ministre, Georges Pompidou, signait le décret reconnaissant « la Fondation dite ‘Maison des sciences de l’homme’ » comme établissement d’utilité publique, approuvant ses statuts, et chargeant le ministre de l’Intérieur, Roger Frey, de l’exécution de ce décret. Voici qui nous rappelle, au passage, que si notre tutelle est le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, celui de l’Intérieur a son mot à dire dans notre existence – comme vous savez, nous préparons des nouveaux statuts qui demanderont à être validés, entre autres, par ce même ministère de l’Intérieur. L’instigateur de la Fondation de la Maison des Sciences de l’Homme – c’est ainsi qu’elle est nommée – est M. Gaston Berger, ancien directeur général de l’enseignement supérieur, dit l’article 3 des statuts, et elle compte neuf membres de droit, qui représentent diverses institutions, et neuf fondateurs : MM. André Aymard, Marcel Bataillon, Fernand Braudel, Julien Cain, Jacques Chapsal, Gabriel Le Bras, Charles Morazé, Pierre Renouvin, Jean Sarrailh – que des hommes, des grands hommes, certes, mais des hommes. Mon premier vœu pourrait être de féminiser le conseil d’administration de notre Fondation, de sorte que, cinquante ans après 1963, nous commencions à nous rapprocher de la parité au sein de notre conseil d’administration, en tout cas en ce qui concerne les personnalités qualifiées – pour le reste, cela dépend de chaque institution et non pas de nous. L’histoire retient plus volontiers les grands noms. Sachez que j’ai la plus vive conscience que nous ne serions pas là sans la mobilisation constante de toutes celles et ceux qui nous ont précédés, dans les nombreuses fonctions et missions qui sont les nôtres. Le premier don que reçoit notre Fondation, celui de la Fondation Ford, est de 5 millions de Francs – je rappelle que nous sommes en 1963 –, et il est dit dans un document d’octobre 1963 que la MSH « contribuera à l’élaboration d’une politique cohérente, dans le domaine des sciences humaines et à la mise sur pieds de grands projets interdisciplinaires de recherche fondamentale et appliquée » : de ce point de vue, nous sommes dans la continuité du projet de nos pères fondateurs, et mon deuxième vœu est pour souhaiter que se renforce notre cohérence scientifique et que se développent des grands projets interdisciplinaires. Le Collège d’études mondiales, installé depuis maintenant un an et demi et qui commence à tenir les promesses de son projet initial, et la relance lorsqu’elle est nécessaire de nos programmes scientifiques, que j’appelle de tous mes vœux, vont dans ce sens. La Fondation, indique encore ce texte, « contribuera aussi, sur le plan international, à favoriser la collaboration des disciplines, à faciliter l’échange des informations scientifiques... ». Ici encore, la continuité a toujours été assurée, nous sommes toujours dans ce que l’on appelle souvent la pluridisciplinarité, la multidisciplinarité, l’interdisciplinarité, ce qui ne veut pas dire que nous ignorions ou méprisions les disciplines. Et nous ne nous  contentons pas de nos disciplines, nous sommes ouverts aux sciences de la nature, ou de la vie, et j’ai le plaisir de vous annoncer que le « keynote speaker », pour le colloque international du 50e anniversaire, en mai prochain, sera le prix Nobel taïwanais de chimie, le président Lee, qui saura vous dire bien mieux que moi l’importance qu’il y a aujourd’hui à coopérer entre disciplines aussi éloignées que la chimie et, par exemple, l’anthropologie ou la sociologie. Nous sommes ouverts, au-delà des disciplines scientifiques, à des formes de coopération avec des compétences diverses, juristes, médecins, architectes, travailleurs sociaux par exemple, et c’est mon troisième vœu, que cette interdisciplinarité au sens large ne cesse de se développer. Les documents de 1963 développent le projet d’une bibliothèque généraliste dans le domaine des SHS, irrigant d’autres centres de ressources et formant des réseaux. Ils prévoient qu’elle devrait être capable d’accueillir 500 000 volumes – nous en sommes là aujourd’hui, précisément –, et présentent aussi le projet relatif à un centre de calcul capable d’effectuer « tous les calculs numériques dont ont besoin des chercheurs », mais également des « calculs non-numériques » (sic). Ce projet entend accorder une « place à part » à la « documentation automatique ». Les plus anciens d’entre nous savent que, depuis 1963, la Fondation a joué un rôle pionnier en matière d’informatique. Je voudrais ici formuler un quatrième vœu : que nous soyons, dans les années à venir, capables d’incarner comme par le passé, l’innovation et d’assurer, pour le compte de toute la communauté des SHS, au moins en Région parisienne, et en priorité avec nos partenaires du PRES héSam et du Campus Condorcet, les diverses fonctions que requièrent les développements récents et à venir du numérique. Je compte d’ailleurs, dans les mois qui viennent, réfléchir activement, avec ceux d’entre vous qui le souhaiteront, à ce que pourrait être un véritable pôle numérique – nous avons ici de nombreuses activités qui pourraient être associées à la réflexion puis à la mise en œuvre d’un tel pôle. Une telle réflexion intéressera et mobilisera en premier lieu, je l’espère, ceux qui œuvrent ici à la conservation, à la diffusion et à la valorisation des savoirs, au sein de la Bibliothèque et de son pôle Archives, des Éditions et de certains programmes, et naturellement à la production scientifique.

Je poursuis ma lecture de ces documents qui datent de 1963 et qui annoncent « la création d’un immeuble spécialement construit pour elle et qui constituera au sens plein du terme la Maison des Sciences de l’Homme » – un édifice dont les plans et la construction sont confiés à Marcel Lods, et qui devra être « éminemment flexible (et) s’adaptera aux besoins complexes et fluctuants des institutions qu’il abritera ». Je forme un cinquième vœu : que nous puissions retourner au « 54 » d’ici quatre ans, et en acquérir la certitude dans les prochaines semaines. À ce jour, je ne dispose malheureusement d’aucune indication sur ce que compte faire l’État. Je cite maintenant un document, daté du 10 juillet 1964, et émanant du Comité de décentralisation, qui a à l’époque son mot à dire dans la construction de la Maison des sciences de l’Homme. Ce document indique que le Comité en question est favorable à ce projet, à condition que ne soit pas « sinon abandonnée dans son principe, du moins rejetée dans un avenir très lointain, la réalisation des centres provinciaux dont la création même avait été l’un des arguments déterminants de sa décision favorable ». Il rappelle que « la vocation de la Fondation des Sciences de l’Homme (sic) devrait être élargie de manière que ses activités ne soient pas limitées à la seule région parisienne », et demande à la Direction Générale de l’Enseignement Supérieur de « confirmer sa volonté d’étudier les modalités de la réalisation en province (...) et dans le même temps que la construction de l’établissement parisien, des centres analogues ... ». Ce qui veut dire que notre mission, dès le départ, est  territoriale, et inscrite dans la Région parisienne, ce que confirme notre engagement résolu aussi bien au sein du PRES héSam que du Campus Condorcet, et qu’elle est aussi nationale, puisqu’elle s’inscrit d’emblée dans un paysage où d’autres Maisons des sciences de l’homme doivent apparaître. Comme vous savez, il en existe une vingtaine aujourd’hui, et nous sommes fiers et heureux d’être membre du Réseau National des MSH, de l’accueillir, et de contribuer à son développement. Mais il y a plus. Non seulement nous accueillons aussi depuis un certain temps le RFIEA, le réseau des IFRE et le réseau européen des éditeurs en SHS, mais nous accueillons, depuis la rentrée de janvier, à la demande du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, l’alliance Athena, qui se présente comme un « think tank collaboratif au service des SHS » ainsi que le réseau NEFIAS, qui réunit des IFRE, des IEA, des MSH à l’échelle internationale. Je fais le vœu, ce sera le sixième, que tout ceci fasse de notre Fondation un lieu unique au monde où se croisent, dans l’esprit de nos fondateurs, des réseaux scientifiques nationaux et internationaux de plus en plus denses et nombreux.   Je vous le dis, en conclusion, et très simplement : je compte sur chacune et chacun d’entre vous pour faire en sorte que notre belle aventure continue, et que dans cinquante ans, lors des cérémonies du centenaire, nos successeurs puissent parler avec chaleur, émotion et reconnaissance de ce que nous construisons ensemble aujourd’hui. Mais j’ai peut-être déjà trop parlé, le moment est venu d’entrer ensemble dans cette année, qui sera marquée par plusieurs événements importants, colloques, lancement d’une nouvelle revue, publication d’une histoire de la FMSH, etc. Je vous invite à échanger maintenant de manière moins formelle, autour d’un verre, tout en découvrant la petite surprise que Magali Noël nous a réservée, et qui nous fera prendre connaissance concrètement de notre logo relooké par ses soins.

Michel Wieviorka

Publié le 11 janvier 2013