Lauréats 2023 | Prix d'histoire sociale Fondation Mattei Dogan

Découvrez les lauréats 2023 du prix d'histoire sociale Fondation Mattei Dogan
Prix Mattei Dogan

Le prix d'histoire sociale Fondation Mattei Dogan est décerné tous les deux ans depuis 2009 à une thèse de doctorat traitant d’un sujet d’histoire sociale, dans le sens le plus large du terme, du XIXe au XXIe siècle, et portant sur la France, un ou plusieurs pays étrangers ou un sujet transnational. Le prix d'histoire sociale Fondation Mattei Dogan 2023 est attribué à Jean-Christophe Balois-Proyart et Daniela Duran.

Ouvriers et fabricants au temps du capitalisme marchand. De la désincorporation des métiers à l'incorporation du travail (France, 1789-1848), Université Paris 1 Panthéon Sorbonne

Jean-Christophe Balois-Proyart

Dans cette thèse, Jean-Christophe Balois-Proyart est revenu sur l’idée selon laquelle, aux premiers temps de l’industrialisation massive, les rapports sociaux de production sont des relations de type marchand où l’autonomie au travail perdure. Des investigations archivistiques massives, en particulier dans les fonds des conseils de prud’hommes, des justices de paix et des préfectures, lui ont permis de décrire les mises en forme juridiques des rapports de travail et les grammaires argumentatives des différends auxquels ils donnent lieu, d’identifier leurs points d’achoppement ainsi que les modalités, les acteurs et les ressorts de la régulation de ces frictions.

Jean-Christophe Balois-Proyart

Après une critique fine de la documentation judiciaire, il devint possible de s’intéresser au contrôle du procès de travail. L’économie juridique des contrats de louage demeure dans beaucoup de secteurs une économie marchande, c’est-à-dire un mode de valorisation du travail fondé sur l’évaluation du produit associée à une obligation de résultat pour le preneur d’ouvrage. Le contrôle du procès de travail et la détermination des prix du travail sont médiatisés par l’évaluation du produit et des matières premières ; ces évaluations sont donc des moments de vives tensions et ce, d’autant plus que l’incertitude demeure très forte concernant les dispositifs d’évaluation et les procédés de production.

Le contrôle des marchés – marchés du travail, marchés des encours de production et marchés des produits – reste un enjeu essentiel des régulations du travail. Il existe une forte concurrence pour la main-d’œuvre : du fait de son instabilité, les fabricants ont de grandes difficultés à la conserver. Ce phénomène s’explique par la forte variation des besoins en main-d’œuvre, elle-même causée par l’instabilité de la demande et des approvisionnements ainsi que par la saisonnalité des activités agricoles. Les régulations du marché du travail apparaissent dès lors comme un point d’achoppement fondamental dans les rapports entre ouvriers et fabricants. En outre, la monopolisation des marchés des matières premières et des débouchés demeure une ligne d’affrontement fondamentale, que les progrès de la marchandisation rendent plus saillante encore.

Cette thèse a également permis de mieux connaître le rôle des institutions participant aux régulations des relations de travail. Les insuffisances de la discipline monétaire du travail sont compensées par les régulations locales mises en place autour des conseils de prud’hommes, en lien avec les municipalités et les chambres des Arts et Manufactures, d’une part et par les dispositifs des livrets et des livres d’acquit d’autre part. En outre cette recherche a confirmé la tension entre la liberté du Commerce et de l’Industrie et l’individualisme juridique, d’une part, et, les revendications et les pratiques des fabricants et des ouvriers, d’autre part.

Expertise et politique au cœur de la coopération au développement France-Chili : le bureau d'études IRAM dans la Réforme agraire chilienne (1964-1973), Université Rennes 2

Daniela Duran

Cette recherche porte sur l’intervention de l’Institut de recherche et d’applications des
méthodes de développement (IRAM) dans la Réforme agraire chilienne entre 1964 et 1973. Cette étude anthropologique amène à analyser le champ de la « coopération technique française au développement » mise en place sous l’impulsion de Charles de Gaulle. La coopération technique est née comme un corollaire de la reconversion du lien colonial français avec l’Afrique, dans le contexte des indépendances africaines dans ledit « Tiers Monde ». De Gaulle a cherché à exporter cette influence française en Amérique latine et a entamé un dialogue avec le projet démocrate-chrétien chilien dirigé par Eduardo Frei (1964-1970).

Daniela Duran

Cette recherche pose les jalons d’une analyse de la circulation des théories du développement (fortement imprégné par le débat structuraliste latino-américain), et des méthodologies d’intervention socio-éducative en milieu paysan. Cet aspect est d’ailleurs plus remarquable à cause de la multi-dimensionalité de l’organisme IRAM : à la fois organisation militante tiers- mondiste, entreprise de coopération et bureau d’études, l’IRAM a réalisé un effort de synthèse de son expérience dans les projets de développement du « Tiers Monde ». À travers la production intellectuelle de son Secrétaire général pour l ‘Amérique latine, Yves Goussault, le bureau s’est insérée directement dans un champ disciplinaire émergent en parallèle (et grâce à) la coopération technique : les études sociales du développement.

Événement

Prix Mattei Dogan
Rencontre

Cérémonie de remise du prix d’histoire sociale Fondation Mattei Dogan

29 novembre à 18h | Récompense de thèses de doctorat d'excellence traitant d'un sujet d'histoire sociale
Publié le 18 juillet 2023