Projet clos

Séminaire International de Sémiotique à Paris

Programme de l'année 2023-2024
les espace de la théorie, agenda FMSH
Énonciation(s) et passions dans les territoires sémiotiques ouverts par l’Intelligence Artificielle

L’Intelligence Artificielle est avant tout un problème sémiotique qu’il faut aborder à plusieurs niveaux : celui des objets qu’elle produit, celui des pratiques qu’elle déclenche et accompagne, celui des langages de programmation et de leur rhétorique, ainsi que des formes de vie qu’elle instaure et transforme.

Tout d’abord, il faudra tenter une définition de l’IA, étant donné qu’elle a englobé depuis les années 1950 des interfaces, des objets, des pratiques et des langages très différents. En effet, à chaque décennie le terme d’Intelligence Artificielle a successivement couvert des situations et des instruments très diversifiés : autant la machine de Turing dans les années 1950 que l’apprentissage automatique des années 1980, ou encore les multiples versions de la robotique. À présent, l’OpenAI et la Generative AI, à savoir des instruments tels que ChatGPT, Midjourney et d’autres modèles générateurs de textes et d’images, se présentent comme les successeurs de la révolution des Big Data. Il est pourtant clair que le terme d’IA concerne à chaque fois des instruments, des connaissances et des pratiques qui appartiennent au stade épistémique de l’expérimentation ou de la promesse accompagnée des premiers résultats. Ces derniers subissent déjà en phase d’expérimentation une vulgarisation planétaire qui a comme objectif d’élargir le spectre des mondes possibles. Le terme d’IA renvoie en somme à une situation expérimentale, à chaque fois fortement actuelle et prospective, accompagnée par une importante vulgarisation scientifique et journalistique.

Que peut la sémiotique face à ces transformations, à ces innovations successives, qui se cumulent, souvent se stratifient et se succèdent très rapidement ? Si les sciences sociales et des techniques ont abordé l’IA du côté de la relation homme-machine en termes de technologies et d’affordances, les sciences du langage, quant à elles, visent à comprendre à présent la manière dont l’IA générative mais également l’IA des Big Data — et des analyses de larges collections de textes (verbaux, visuels, syncrétiques), via le machine learning et le deep learning —, transforment notre manière d’énoncer, d’agir et de penser. Le problème de l’énonciation dans le domaine de l’IA sera au centre de nos recherches tout au long de cette année de séminaire. Les questions que nous envisageons comme les plus urgentes dans ce cadre concernent les instances énonçantes machiniques (impersonnelles ? quasi-personnelles ?) de la machine. Le focus sur les instances énonçantes nous amènera à réfléchir à l’analyse de la créativité (presque-auctorialité ?) assignable au travail de la computation et à ses algorithmes. De plus, il faudra considérer que, dans le cadre de l’IA générative, les formes linguistiques de l’adresse et la gestion des interactions sont pertinentes non seulement dans l’étude de ChatGPT mais aussi dans les cadres de la robotique et des environnements immersifs (plus ou moins artistiques, thérapeutiques, scientifiques ou liés à la sécurité).

Pensons dans un premier temps à la génération de textes via ChatGPT : de quel type d’énonciation s’agit-il ? De quelles passions énonciatives ces textes peuvent-ils se charger ? Quels sont les simulacres de la responsabilité qu’ils affichent ? De quelle créativité la machine peut-elle être tenue pour responsable étant donné qu’elle utilise des bases de données des discours déjà prononcés (et déjà écrits) et qu’elle les manipule selon des règles statistiques dans une sorte d’ars combinatoria impersonnelle ? Dans le cas de la génération d’images, la question est encore plus délicate car le langage naturel à travers lequel le prompt est formulé doit être traduit en langage visuel. Et qu’en est-il du discours esthétique et des pratiques du marché de l’art lorsque des images produites par Midjourney ou Stable Diffusion obtiennent des premiers prix à des concours où les autres images ont été produites par des artistes ou en tout cas par des humains ? Certes, l’histoire de l’art et notamment l’histoire de la peinture (peintures dont sont faites les bases des données utilisées par Midjourney et Stable Diffusion) nous ont montré que chaque nouvelle innovation en termes de gestion de l’espace bidimensionnel, de composition, de géométrie, de type de tracé, de texture et volumétrie est le produit d’un ensemble de remaniements, négations, conflits, et détournements de l’existant et du déjà fait, remédiations que la sémiotique a pu étudier en termes de bricolage et de praxis énonciative. Mais peut-on parler d’une énonciation-bricolage pour un travail qui est accompli par des instances énonciatives qui exploitent des collections d’images artistiques stockées dans les bases de données ainsi que des statistiques mues par des algorithmes ? Il s’agit d’une construction du neuf avec de l’ancien, comme dans toute l’histoire des arts et des techniques, mais quelque chose de différent est à présent à l’œuvre. La question énonciative est au cœur aussi des langages de programmation et du passage entre le langage de la machine et le langage naturel, ce qui engage une réflexion sur les styles rhétoriques de codage, qui se situent à la lisière entre le machinique et la force persuasive du langage.

L’énonciation en termes d’adresse est aussi un instrument capital pour comprendre la réalité virtuelle et la réalité augmentée. Que cette dernière concerne les arts immersifs, le divertissement et les jeux-vidéos ou la gestion stratégique et expérientielle de la guerre contemporaine, elle sollicite de manière décisive notre corporéité. Comment étudier les pratiques, plus ou moins expérimentales, déterminées par ces dispositifs qui augmentent nos compétences, ou qui les anesthésient ? Comment ces environnements immersifs et augmentés s’adressent-ils à nous et construisent-ils un simulacre de notre action future ? Du côté de l’adresse dans le cadre de la robotique, les travaux en sciences cognitives s’interrogent sur la construction d’une relation empathique du robot avec l’humain. Mais à travers quels instruments ? Via le « visage » de la machine, plus ou moins dense de caractéristiques « figuratives » ? Via sa « voix », sa manière de bouger, ou simplement via son intelligence dialogique ?

La question de l’adresse nous mène tout droit vers celle des passions : l’empathie devra être réinterrogée selon le prisme de la relation entre homme et machine, notamment en partant des produits langagiers produits par la computation ou avec la computation.

Au-delà de la question des relations empathiques homme-machine ou machine-homme, les particularités énonciatives de l’IA –  impersonnelles, conventionnelles, voire stochastiques, ou, au contraire, personnalisées et incarnées – posent le problème des retombées passionnelles. Il serait opportun alors de s’interroger sur ces effets passionnels entre consensus, affadissement et neutralisation pathémique d’un côté, et valences émotionnelles intenses et parfois extrêmes, de l’autre. Sont-ils dus exclusivement aux formes énonciatives des discours sur et de l’IA ou bien d’autres composantes sémiotiques et rhétoriques – aux niveaux narratif, aspectuel ou autre –  entrent-elles en jeu dans la production de tels effets ?

Informations pratiques

  • Les séances se tiendront à la Maison Suger
    16-18 rue Suger, 75006 Paris
  • Le mercredi de 13h45 à 17h00

Agenda

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Séminaire
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Mercredi
15
13:45
Mai
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Séminaire
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Mercredi
29
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Les activités

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Publié le 13 octobre 2023