Château comme lieu de mémoire, ou l'échappée miraculeuse du duc Vitaut de Krewa

28 mars | Séminaire de Uladzimir Kananovich
Jeudi
28
mars
2024
18:00
19:30
séminaire kananovich
Présentation d'une recherche en cours dans le cadre des "Jeudis de la Maison Suger", séminaire de recherche des résidents.

Uladzimir Kananovich est historien de la fin du Moyen Âge et du début de l'époque moderne en Europe. Il est titulaire d'un doctorat en histoire de l'Institut d'histoire de l'Académie des Sciences de Biélorussie et d'une maîtrise en études médiévales de l'université d'Europe centrale. Il a enseigné dans des établissements d'enseignement supérieur au Belarus, ainsi qu'aux États-Unis (Trinity College, Hartford). Il a été chercheur associé dans différences institutions en Europe, dont l'EHESS, où il donne cette année un séminaire de recherche intitulé "Mémoire sociale et espace mémoriel au Moyen Âge".

Ses recherches portent sur la guerre et la chevalerie, ainsi que sur l'histoire de la mémoire et des émotions. Son premier livre portait sur  "The Knight at the Battlefield". Il a également travaillé sur une monographie en anglais "Remaking Local Heroes. Memories at Clash in the Late Medieval Grand Duchy of Lithuania".

Le thème du projet de recherche

« La légende de la fuite miraculeuse du duc Vitaut (Lith. Vytautas, Bel. Vitaŭt, Pol. Witold) du château de Krewa (en Belarus occidental actuel) en 1382 appartient sans doute aux récits historiques qui sont fortement gravés dans la mémoire culturelle de la région qui composait le Grand-Duché de Lituanie, Ruthenie et Samogitie au XIII-XVIII siècles. Selon la version préservée dans la Chronique de Bychowiec, composée dans les années 1530, Vitaut, emprisonnée depuis longtemps dans le château de Krewa par son cousin, grand-duc Jagiello (futur roi de la Pologne Wladislas), ayant échangé les vêtements avec sa femme de ménage, a pu miraculeusement échapper du château en prenant le chemin vers la Prusse Teutonique. Hélas, cette histoire extraordinaire est une construction historiographique assez tardive. Plus, il subissait profondes transformations au cours de temps. La version de la Chronique de Bychowiec, forgée presque 150 ans après l’évènement, avec celle de la Chronique de Maciej Stryjkowski (des années 1570), est la dernière sur la liste. Comme telle, elle a perduré jusqu’à nos jours ; aujourd’hui, il est même adaptée par l’historiographie dite académique.

Donc, nous allons étudier la formation et le développement de la tradition mémorielle concernant l’échappée inouï du duc Vitaut du château de Krewa, à partir de l’émigration de ce prince en Ordre Teutonique en 1380-1390 et jusqu’au seizième siècle, quand le culte héroïque de Vitaut s’était déjà formé au Grand-Duché de Lituanie. Dans le processus, la mémoire sert en tant que le moyen explicatif principale. Plutôt que de penser à la légende d’échappée de Vitaut de Krewa soit comme des souvenirs personnels transmis par la communication orale ou comme le récit imaginé sur le duc, nous chercherons avant tout à clarifier la façon dont les mémoires de l’année 1382 ont été construites dans les générations suivantes. Je crois que les études de la mémoire sociale nous aident à révéler la situation sociale et littéraire des personnes qui ont développé les histoires du duc Vitaut dans ses groups. Ainsi, en appuyant sur la théorie de la mémoire sociale, notre premier pas est d’établir les milieux dans lesquels ces souvenirs ont été créés et développés. Après, nous allons préciser de modalités de production de la mémoire sociale de Vitaut. »

Publié le 19 mars 2024