Territoire et population

- Projet clos -
Une analyse morphologique et morphogénétique

Au milieu du 17ème siècle, deux notions nouvelles apparaissent, le territoire et la population. Elles constituent le cadre des monarchies absolues modernes et préludent aux Etats nations. Ce sont de simples outils techniques au départ : la population qui ne porte pas encore ce nom est qualifiée par le nombre des habitants et les territoires recouvrent des appartenances sans qu’une frontière spatiale précise les disjoigne. Les deux notions vont prendre de la substance au cours des siècles suivants jusqu’à aujourd’hui. De même que les nations suscitent les nationalités, les populations nourrissent l’imaginaire du terme « peuple ». Les territoires aussi prennent de la consistance suscitant le tracé de frontières toujours plus fines. Le mouvement d’idéalisation et d’abstraction des deux termes est en train de s’inverser sous la pression de la réalité plutôt que de l’irréalité de ces peuples et de ces frontières.

C’est précisément ce délitement auquel s’intéresse la chaire Territoire et population. Délitement des frontières par la mondialisation, par le libre échange, par les organisations supranationales, par les migrations, mais aussi délitement par la remise en cause de nombreuses lignes de partage censées isoler des comportements et des cultures. Dans le même mouvement se développe aujourd’hui une géographie des lissages et des anamorphoses dans laquelle soit les frontières sont gommées, soit les territoires déformés, à la manière dont les sciences présentent désormais des cartes des galaxies, du cerveau ou des températures. De même, les notions de peuple et de population sont remises en cause par la rapidité des évolutions culturelles. Les débats sur l’ethnicité, les questions sur l’identité, les utilisations politiques de l’intégration sont autant de soubresauts dans lesquels la chaire Territoire et population cherche à analyser le déclin de ce cycle commencé au milieu du 17ème siècle.

L’appellation Territoire et population est elle-même porteuse d’une histoire. C’est le terme choisi par le fondateur de la statistique française pour titre de ses ouvrages contenant les résultats des premiers recensements et enquêtes nationales. C’est aussi une manière à peine voilée de reposer la célèbre alternative du sol et du sang objet de fréquents contresens. Mais au delà de ces références, la Chaire Territoire et population propose surtout une analyse morphologique et morphogénétique de longue durée qui peut s’étendre à d’autres concepts clés, en particulier à celui du nombre. Elle envisage le cycle de ces formes en trois stades, une genèse empirique souvent laborieuse, une idéalisation et substantification qui les détache de la réalité puis un retour agité sinon douloureux de la réalité. Elle se pose alors la question de l’articulation de ce cycle type avec les évolutions politiques et de leur interaction, à la manière dont Michel Foucault analyse l’apparition de la gouvernementalité et de la biopolitique.

La chaire Territoire et population est en relation étroite avec le programme international Morphologie qui regroupe des historiens des historiens, démographes, mathématiciens et théoriciens de l’art de France, d’Italie et du Portugal. Elle dispose aussi de relais à l’Ecole Fédérale polytechnique de Lausanne et à l’Institut Max Planck de Rostock. Plusieurs séminaire et colloques sont dors et déjà prévus : un séminaire sur "Peuples, races, ethnies, populations" à l’EHESS, un séminaire bimensuel "Morphologie" animé avec M. Gribaudi (historien, directeur d'études EHESS), L. Boï (mathématicien, maître de conférences EHESS), P. Ceccarini (professeur d'architecture à Paris-Seine et à l'université d'Urbino), ainsi qu’un colloque en juin 2011 organisé avec le département de philosophie de l'Université nouvelle de Lisbonne.

Un programme commun de recherche avec le laboratoire de géographie Choros de l'Ecole Polytechnique de Lausanne concernant la sémiologie graphique dans une perspective historique est également envisagé, ainsi qu’un programme commun avec F. Vercellone, professeur de morphologie et esthétique à l'université de Turin sur le thème de la parenté entre l'analyse des formes artistiques et l'analyse des formes biologiques. Des collaborations sont également prévues avec J. Goldstein, directeur du seul Institut Max Planck de démographie (situé à Rostock), avec l'école d'architecture de Paris-Belleville, avec l'université d'Urbino et son groupe de sémiologie fondé par Umberto Eco et repris par P. Fabbri, avec l'institut d'histoire de l'université de Xalapa au Mexique, ainsi qu’avec le Population Group de l'université de Berkeley, spécialisé dans l'analyse des données ethnico-raciales du recensement américain.

Axes de recherche

La chaire développe trois axes de recherche :

  1. L’usage comparée de statistiques ethno-raciales dans le monde
    La chaire organise des rencontres entre 6 chercheurs français et 6 chercheurs d’un autre pays. Les participants confrontent les débats et les opinions sur ces statistiques dans leur pays respectif. Une première rencontre a eu lieu à l’université de Columbia à New-York en 2011, une seconde à l’institut d’anthropologie et d’ethnologie de Moscou en 2013. Une troisième rencontre aura lieu à Brasilia à l’institut brésilien de statistiques en 2014. Deux autres rencontres sont en projet avec l’Afrique du sud et l’Inde.

  2. L’analyse et la représentation spatiale des comportements sociaux et politiques dans l’espace français et européen
    Une convention a été signée avec l’Institut Montparnasse pour l’analyse des inégalités spatiales. Un atlas  des inégalités et des solidarités est en cours de réalisation  pour  les éditions Autrement. Des travaux sont en cours pour plusieurs régions françaises.

  3. La morphologie
    Un séminaire mensuel réunit des biologistes, mathématiciens, historiens, théoriciens de l’art, philosophes sur ce thème. Plusieurs rencontres ont été organisées en 2012 et 2013 à Paris, Turin et Lisbonne. Une école d’été aura lieu à Urbino en juillet 2014.

Les activités

Publié le 3 octobre 2013